Olaus Wormius trempa sa plume dans l'encrier et rapprocha la bougie dont la cire avait coulé en longues larmes figées tout autour du petit bougeoir d'ivoire sculpté.
"Je n'ai pas le temps..." marmonna-t-il en griffonnant frénétiquement des glyphes secrètes sur le velin.
"Pas le temps, pas le temps... Il faut leur dire. Je dois les prévenir. Qu'ai-je fais ô mon Dieu" sanglota-t-il, seul dans la pénombre de son laboratoire, entouré de montagnes de livres reliés de cuir, certains pourrissants, d'autres ouverts à même le sol de bois grinçant sur des images grotesques de créatures impies.
"Premièrement leur expliquer qu'on ne va jamais là-bas par jeu, curiosité ou, comme je l'ai fait, par vanité..."
N'est pas mort ce qui à jamais dort...
N'est pas mort ce qui à jamais dort...
Un cri résonna dans l'épaisseur de cette nuit sans lune. Olaus releva la tête et étouffa un juron. Ses yeux injectés de sang fouillèrent les ténèbres comme deux billes folles.
"Pas le temps... Combien de temps encore ? Pas assez pour sceller les portes... Assez pour placer des gardiens ? Peut-être... Allez, du calme, les pierres de lumière les tiendront encore à l'écart un bout de temps. Le temps... qu'est-il pour eux ? Ne te déconcentre pas, écris !"
Je m'appelle Olaus Wormius. Ceci sera certainement mon dernier opuscule, et j'espère qu'il pourra fournir un rempart efficace contre les choses que j'ai réveillées sans le vouloir...
La Dimension Opaque n'est qu'un gouffre empli de choses indicibles... J'ai mis en contact un point de notre univers avec un tunnel menant droit au coeur de ce non-monde. La porte est ouverte, et certaines entités se sont engouffrées dans la brèche. Je ne sais pas comment refermer le passage, mais j'ai pu apposer des sceaux de protection qui ont limité les dégats. Seuls quelques courants perturbateurs ont pu s'échapper et créer des trous dans la toile qui protège notre univers. Il ne FAUT PLUS UTILISER LE PASSAGE, les risques sont trop grands.
Un nouveau hurlement résonna dans les profondeurs de la terre et les fondations de la tour du nécromant tremblèrent.
"Mon Dieu... non, pas tout de suite, je n'en suis qu'à l'introduction !"
Olaus retira ses binocles et s'épongea le front avec un bout de tissus crasseux. Il retira le bouchon de verre d'une flasque et se versa une large rasade d'un liquide carmin aux reflets dorés.
"Un petit dernier pour la route..." murmura-t-il en avalant d'un trait le contenu de son verre.
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